À plusieurs reprises, la délégation du Sénat aux droits des femmes a mis en lumière les problématiques auxquelles ces dernières sont confrontées en matière de santé au travail. Risques musculo-squelettiques, pénibilité des emplois, conséquences du télétravail, charge mentale, adaptation du poste lors de la grossesse : la santé des femmes au travail concerne l’ensemble de la société.
Nombreux sont les professionnels de santé, les chercheurs, les historiens et les sociologues à se pencher sur le sujet pour améliorer la santé physique et mentale des salariés au sein des entreprises. La vocation de cet article est d’apporter un éclairage historique et sociologique sur la santé des femmes au travail, par le biais de 10 questions-réponses.
1) Les femmes sont-elles surexposées aux troubles musculo-squelettiques dans le monde du travail ?
Muriel Salle, historienne et co-auteur de l’essai Femmes et santé : encore une affaire d’hommes ? rappelle lors d’une table ronde de la délégation aux droits des femmes que 55 % des salariés souffrant d’une maladie professionnelle en France sont des femmes. Les troubles musculo-squelettiques arrivent d’ailleurs largement en tête des maladies professionnelles.
L’historienne affirme que les différences de genre entre les travailleurs de sexe masculin et de sexe féminin ne suffisent pas à expliquer la surexposition de la population féminine aux troubles musculo-squelettiques. Entrent également en jeu le caractère répétitif de certains gestes, un poste de travail non adapté à la morphologie d’une femme, ou une posture inadéquate.
L’Anact, l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, souligne que les maladies professionnelles ont augmenté plus rapidement chez les femmes (+158,7%) que chez les hommes (+73,6%) entre 2001 et 2019.
2) Pourquoi les troubles musculo-squelettiques des femmes peinent-ils tant à être reconnus ?
Dans son article « Santé des femmes au travail et égalité professionnelle : des objectifs conciliables ? », l’ergonome Karen Messing parle d’une division de genre « dans le type de force déployé par les hommes et les femmes », notamment dans les usines.
En d’autres termes, les travailleurs de sexe masculin effectuent ponctuellement des tâches très physiques alors que les travailleuses réalisent des tâches répétitives sur le long terme, avec un degré de force moindre. Karen Messing explique ainsi que les troubles musculo-squelettiques des femmes passent plus facilement sous le radar, puisqu’ils sont liés à des gestes chroniques entraînant des souffrances physiques au bout d’une temporalité plus longue.
3) La taille des entreprises a-t-elle un impact sur la santé des femmes au travail ?
Dans la plupart des cas de figure, les problématiques de santé des salariées exerçant dans une entreprise de taille intermédiaire ou un grand groupe sont davantage considérées que dans une petite ou une moyenne entreprise.
Selon Muriel Salle, les grandes entreprises possèdent des moyens plus importants pour investir dans des plans d’égalité et effectuer de la prévention. D’ailleurs, elles font appel à des consultants externes pour les épauler. La qualité de vie au travail est également un argument que ces sociétés souhaitent mettre en avant pour attirer les talents et fidéliser les collaborateurs sur le long terme.
4) Pourquoi les risques psycho-sociaux touchent-ils davantage les femmes ?
Les risques psycho-sociaux touchent davantage les femmes car ils sont liés à leurs conditions de travail, à l’organisation de leur emploi et à leurs relations de travail. Caroline De Pauw, docteure en sociologie et directrice de l’Union régionale des professionnels de santé, précise que les ruptures dans le parcours professionnel des femmes augmentent les risques psycho-sociaux.
Durant l’une des tables ronde de la délégation aux droits des femmes, la sociologue ajoute que les femmes sont présentes en large majorité dans des secteurs d’activité où les relations humaines sont constantes. Ces métiers leur demandent de faire face à de nombreuses tensions au quotidien.
5) Quel est l’impact du harcèlement au travail sur la santé des femmes ?
La parole peine encore à se libérer à ce sujet. D’après les statistiques, seule une femme sur vingt porte plainte en cas de harcèlement sexuel au travail. Les répercussions psychologiques délétères ne peuvent être niées : perte de confiance en soi, sensation de mal-être au travail, baisse de performance.
Caroline De Pauw rapporte des chiffres édifiants à ce sujet. Huit femmes salariées sur dix déclarent être régulièrement confrontées à des attitudes ou déclarations sexistes au travail. Et plus de neuf femmes sur dix estiment que ces comportements peuvent avoir des conséquences néfastes sur leur santé mentale.
6) Quelles sont les répercussions du travail sur la santé des femmes enceintes ?
Le code du travail prévoie un aménagement du temps et du poste de travail pour toute femme enceinte. Dans les faits, beaucoup de femmes enceintes n’exigent pas que leur temps de travail journalier soit réduit d’une heure. Certaines renoncent même à s’absenter pour se rendre à leurs diverses consultations médicales.
Elsa Boulet, docteur en sociologie à l’université de Nantes, a mené un important travail de recherche auprès de femmes enceintes en région parisienne. Le constat est sans appel. La plupart des femmes ont intériorisé le fait que leur grossesse pouvait être mal perçue au travail.
Et ce sentiment est encore plus prégnant chez celles qui occupent un poste de cadre. Elles n’hésitent pas à redoubler d’efforts pour anticiper leur absence et éviter une charge de travail supplémentaire à leurs collègues. Les répercussions du travail sur la santé des femmes enceintes sont donc multiples : stress, fatigue, malaises, menaces d’accouchement prématuré.
7) Le télétravail nuit-il à la santé des femmes ?
Si le télétravail présente bien des avantages pour les salariés, certains de ses effets sur la santé physique et mentale des femmes sont pernicieux. Muriel Salle précise que des travaux sont en cours tout en insistant sur le fait que certaines collaboratrices effectuent leur mission en télétravail dans des conditions stressantes ou dégradées.
La sociologue Caroline De Pauw la rejoint sur ce point. Elle ajoute que le télétravail peut pénaliser les femmes. Ces dernières assument des contraintes familiales en plus de leur charge de travail. De plus, elles ont accès à un espace numérique parfois plus restreint que celui des hommes à la maison.
8) Les femmes sont-elles concernées par la baisse générale des accidents de travail ?
Dans son rapport intitulé « La sinistralité au travail en France », l’Anact met en avant le fait que les accidents de travail sont en hausse de 41,6 % chez le sexe féminin, alors qu’ils ont globalement diminué en France entre 2001 et 2019.
Les femmes qui se blessent exercent majoritairement des activités de service : métiers de la santé, du secteur social, du nettoyage, intérim. L’Anact précise que les femmes sont placées en arrêt 73,8 jours suite à un accident de travail, contre 67,9 journées suite à un accident de travail pour les hommes.
9) Comment le cycle menstruel est-il pris en compte par les entreprises ?
Chaque mois, de nombreuses salariées souffrent de douleurs menstruelles et prémenstruelles. Si la mise en place d’un congé menstruel fait débat en France, de plus en plus d’entreprises prennent des initiatives pour améliorer la santé des femmes au travail durant leur cycle menstruel.
Certaines entreprises mettent à disposition des collaboratrices des protections périodiques gratuites pour tendre vers plus d’égalité au travail entre les hommes et les femmes. D’autres leur octroient un jour de congé mensuel supplémentaire ou de télétravail en cas de dysménorrhée.
10) Quelles sont les pistes pour améliorer la santé des femmes au travail ?
Pour améliorer la santé des femmes au travail et celle de l’ensemble des salariés, la sociologue Caroline De Pauw propose plusieurs pistes :
Prendre davantage en compte le corps de genre féminin au sein de l’environnement de travail, et plus largement adapter le travail à la morphologie des hommes comme des femmes ;
Accroître la prévention sur les risques professionnels au travail ;
Rendre l’organisation du temps de travail plus souple, afin de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ;
Adapter le poste de travail d’une femme ou d’un homme qui souffre.
Si de nombreuses actions doivent encore être menées pour améliorer la santé des femmes, les enjeux de santé au travail ne se restreignent pas à une question de genre ou à une fonction dans l’entreprise. Ils concernent les salariés comme les employeurs, homme ou femme. Vous avez à cœur d’offrir une réelle qualité de vie au travail à chacun de vos collaborateurs ? Le cabinet de recrutement Rinnovo déniche les futurs talents de votre entreprise.
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