Et si votre métier vous donnait l’impression de ne jamais travailler ? La maxime attribuée au philosophe Confucius « Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie » résonne aujourd’hui comme un idéal professionnel à atteindre. L’idée d’exercer un métier passion motive d’ailleurs de plus en plus de reconversions, et à tout âge.
À une époque où la quête de sens au travail est centrale, faire de sa passion un métier apparaît comme la clé de l’épanouissement professionnel. Si l’idée semble a priori séduisante, ce fantasme peut vite virer au cauchemar. Entre la promesse d’un quotidien exalté et sans nuages et les complications inhérentes à la notion-même de « passion », le sujet mérite que l’on s’y attarde.
Comment définir un métier passion ?
Tenter de définir ce qu’est un métier passion, c’est, paradoxalement, prendre le contre-pied de la notion-même de travail. Là où l’étymologie latine du nom « travail », tripalium, désigne un instrument de torture à trois pieds et renvoie à une obligation laborieuse, l’idée du métier passion convoque le plaisir, la quête de sens et le sentiment d’accomplissement personnel.
Un métier décorrélé de la contrainte
Ainsi, le travail, dans sa définition la plus traditionnelle, repose sur la contrainte et sa contrepartie financière, tandis que le métier passion semble aux antipodes et dépasse cette définition. Qu’il s’agisse d’art au sens large, de nouvelles technologies, d’environnement, de santé ou d’enseignement, nombreux sont les corps de métier dans lesquels la passion repose sur l’attachement puissant pour un domaine ou une activité. Le travail n’est plus perçu à travers le prisme de la contrainte mais à travers celui de la volonté, quand ce n’est de l’abnégation…
En somme, un métier passion s’oppose à un travail purement alimentaire : il se nourrit des intérêts personnels d’un individu et le sens qu’il revêt constitue une source de rétribution à part entière. La caractéristique principale d’un métier passion repose d’ailleurs sur la satisfaction qu’il procure. Assez logiquement, l’investissement émotionnel en est décuplé.
Dans leur essai Les ambivalences de la passion au travail, Marc Loriol et Nathalie Le Roux soulignent d’ailleurs qu’ « un certain nombre d’activités professionnelles sont vécues à la fois comme un travail et comme une passion allant bien au-delà de la simple recherche nécessaire d’une rémunération. » Pour étayer leur réflexion, les sociologues se penchent notamment sur l’engagement artistique, sportif et politique.
Un métier vecteur de motivation et de créativité
Après tout, qui ne rêve pas de se lever le matin pour exercer un métier qu’il aime éperdument ? C’est l’assurance de ne pas aller au travail à reculons et de s’accomplir à travers des tâches professionnelles quotidiennes. La passion agit comme un puissant moteur qui décuple la motivation.
Les professionnels passionnés par leur activité n’hésitent pas à investir du temps et de l’énergie pour se perfectionner et développer leurs compétences. Un tel engouement nourrit assurément la curiosité et libère la créativité. Qu’ils soient salariés ou à leur compte, les passionnés inspirent les autres et font émerger des idées nouvelles.
Du métier passion au métier poison
Lorsqu’il se cogne à la réalité, le mythe du métier passion finit souvent par s’effriter. L’emploi autrefois aimé passionnément, voire à la folie, prend des airs de cauchemar. À y regarder plus près, l’étymologie latine du nom « passion », passio, renvoie à la souffrance.
Une forme d’asservissement
La notion de passion présente une connotation péjorative. Le dictionnaire Larousse l’oppose à la raison, tout en insistant sur son aspect irrésistible et violent. Lorsque un tel affect s’immisce dans la sphère professionnelle, le piège commence à se refermer.
Rappelons que la philosophie scolastique et classique oppose la passion à l’action, et la définit comme ce qui est subi par quelqu’un ou quelque chose, ce à quoi il est lié ou par quoi il est asservi. Un métier, même quand on l’aime, présente des servitudes. C’est ce dont témoignent souvent les footballeurs : ils n’ont pas toujours envie de taper dans un ballon même s’il s’agit de leur passion. ;-)
Entre précarité et désenchantement
Exercer un métier passion peut pousser un salarié ou un indépendant à accepter des conditions de travail instables, en matière de rémunération ou de statut. La passion seule ne paie pas les factures, et une compensation financière insuffisante, voire un statut professionnel précaire, engendre un état d’anxiété permanent, bien loin de la sérénité à laquelle on pourrait aspirer !
L’exercice d’un métier passion se transforme en piège car, dans certains cas, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. C’est particulièrement marquant concernant le sport de haut niveau ou le métier d’acteur. Beaucoup tirent constamment le diable par la queue !
Le sentiment de désillusion fait également partie des effets délétères associés aux métiers passion. Lorsque la réalité quotidienne au travail s’éloigne des attentes et des rêves initiaux, l’enthousiasme se mue en une profonde déception. L’absence de reconnaissance participe bien souvent à ce désenchantement.
Le caractère débordant du métier passion
Par essence, un métier passion est envahissant, et son caractère débordant empiète sur tous les aspects de la vie. Les heures de travail s’accumulent. Cette surcharge de travail mène directement au burn-out puisque la déconnexion est quasi impossible.
Il reste alors peu de place pour les loisirs, le repos et les relations personnelles. Le déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle s’accentue. Dans Le piège du métier passion, l’ancienne journaliste pigiste Anne-Claire Genthialon parle de « ménage à 3 » pour expliquer comment la place démesurée qu’elle accordait au travail (et qui transpirait dans chaque pièce de son logement) a fini par mettre en péril sa relation de couple.
L'auteur ajoute qu’elle a souffert de la porosité entre son métier passion de l’époque et sa vie privée, notamment lorsque tout finissait par lui rappeler le travail, ou encore lorsqu’elle ne parvenait plus qu’à se définir à travers son métier.
Trouver le juste équilibre entre passion et raison, la solution ?
De nombreux salariés recherchent davantage de sens dans leur travail et aspirent à une carrière plus gratifiante. Dans son témoignage, Anne-Claire Genthialon évoque une « injonction à la reconversion », comme s’il fallait tout plaquer au moindre grain de sable dans l’engrenage. Bien entendu, les carrières sont de moins en moins linéaires, mais envisager un métier passion comme une panacée est illusoire.
Réévaluer la place accordée au travail
Comme dans une relation amoureuse, un métier peut vite devenir toxique s’il est placé sous la coupe de la passion. Dès lors, il apparaît salvateur de se libérer de cet affect pour retrouver une forme d’équilibre. Il ne s’agit ni d’envoyer valser votre carrière ni d’opter pour un emploi qui manque de sens, mais de réévaluer la place que vous accordez au travail dans votre vie. Cela passe par des ajustements et une réflexion sur vos aspirations, tant personnelles que professionnelles.
De la sagesse et de la lucidité
En fin de compte, un emploi peut vous offrir la stabilité et l’épanouissement personnel recherchés, sans devenir pour autant votre unique raison de vivre. Un métier épanouissant n’est pas nécessairement un métier passion qui vous demande de vous investir corps et âme. Faites résonner vos talents, votre personnalité et les réalités du marché du travail.
De plus, il n’y a rien de honteux à choisir un métier pour la sécurité financière qu’il apporte, ou encore pour l’équilibre vie privée et vie professionnelle qu’il offre. Gardez à l’esprit qu’il est toujours possible de réévaluer vos intérêts, d’explorer un autre secteur ou de changer de voie après des décennies d’exercice. Une reconversion professionnelle à 50 ans n’a plus rien de saisissant !
Si les métiers passion sont porteurs de 1 001 promesses, la désillusion finit par l’emporter lorsque la réalité professionnelle est en décalage avec des attentes idéalisées, ou encore lorsque les difficultés s’accumulent. Quel que soit votre métier ou celui dans lequel vous envisagez de vous reconvertir, l’essentiel est de rechercher l’équilibre entre vos compétences, vos valeurs et vos aspirations. Le cabinet de recrutement Rinnovo met tout en œuvre pour que les candidats puissent s’épanouir dans leur future entreprise.
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